BONAVENTURE (saint)

BONAVENTURE (saint)
BONAVENTURE (saint)

BONAVENTURE saint (1217-1274)

Jean Fidanza, dit Bonaventure, né à Bagnoregio (près d’Orvieto) en 1217 (pour cette date, cf. J.-G. Bougerol, Introduction à l’étude de saint Bonaventure , Paris, 1960), étudie à la faculté des arts de Paris de 1236 à 1242. En 1243, il entre dans l’ordre des Franciscains à Paris et poursuit ses études de théologie jusqu’en 1248, sous la direction d’Alexandre de Halès. Bachelier biblique de 1248 à 1250, il commente à Paris l’Évangile selon Luc (ce commentaire sera sans doute remanié plus tard) et compose des postilles sur l’Ecclésiaste, sur la Sagesse (l’attribution sur ce point n’est que probable), sur l’Évangile selon saint Jean. Bachelier sententiaire de 1250 à 1252, il commente les Sentences de Pierre Lombard. Devenu, en 1253, maître régent de l’école de théologie des Franciscains, il compose alors le Breviloquium (condensé de son Commentaire sur les Sentences ), Questions sur le mystère de la Trinité , Sur la perfection évangélique , Sur la connaissance chez le Christ (De scientia Christi ). Élu, en 1257, ministre général de l’ordre des Franciscains, il abandonne sa chaire. Il rédige, en 1259, un remarquable traité de théologie mystique, l’Itinerarium mentis in Deum (Itinéraire de l’esprit vers Dieu , trad. H. Duméry, Paris, 1967), et compose de nombreux sermons, dont le fameux sermon intitulé Le Christ unique maître pour tous , qui fut peut-être prononcé lors de l’intégration de Bonaventure (et de Thomas d’Aquin) à l’université de Paris.

Bien que faisant de fréquents voyages, Bonaventure réside habituellement à Paris. Il y donne des Conférences : en 1267, Sur les dix commandements ; en 1268, Sur les sept dons de l’Esprit saint ; en 1273, Sur les six jours [de la création] (In Hexaëmeron ). Son traité Sur la réduction des savoirs à la théologie (De reductione artium ad theologiam ) daterait aussi de 1273. L’ensemble de cette production représente dix volumes in-folio de l’édition critique Quaracchi (Florence, 1882-1902). Créé cardinal en 1273, Bonaventure mourut l’année suivante à Lyon, au cours du concile où il s’était rendu. Inscrit au catalogue des saints en 1482, il fut proclamé docteur de l’Église en 1587.

Bonaventure porte à son achèvement la riche tradition théologique élaborée par les maîtres d’inspiration augustinienne du XIIIe siècle. Exactement contemporain de Thomas d’Aquin, il assume les apports d’Aristote et des autres sources philosophiques de l’époque. L’aristotélisme que critiquent ses dernières œuvres est celui, averroïsé, des maîtres artiens, ainsi que F. van Steenberghen (La Philosophie au XIIIe siècle , Paris-Louvain, 1966) l’a souligné contre É. Gilson (La Philosophie de saint Bonaventure , Paris, 1923). Les plus caractéristiques des thèses de la pensée du docteur franciscain sont les suivantes: évidence de Dieu pour qui comprend les termes du problème de l’existence de celui-ci; caractère nécessairement temporel de la création; pluralité des formes substantielles chez l’homme; co-essentialité des facultés de l’âme; présence en toute créature de la matière, au moins spirituelle; primauté de la volonté sur l’intelligence; illumination directe de l’âme par les Idées divines.

Ce dernier point est l’objet de remarquables exposés dans les Questions sur la connaissance chez le Christ . Bonaventure y adopte une attitude de dialogue critique avec son collègue et voisin Thomas d’Aquin. Il emprunte à la noétique de celui-ci une pièce importante, celle de contact de l’esprit (créé, humain) avec Dieu, de manière à réaménager sa théologie de la vision de Dieu en lui-même soit chez le Christ-homme, soit, en dépendance de celui-ci et à un degré subordonné, chez tout homme. Mais il s’oppose à la première conception thomiste de la suffisance de l’intellect humain, pour accuser la nécessité de l’illumination transcendante par les Idées divines (qui restent inévidentes) dans la connaissance de la vérité certaine et nécessaire (supra-empirique). Ses conférences In Hexaëmeron continuent ce dialogue critique en atténuant la thèse d’une primauté absolue de la volonté, en vue de mieux respecter le rôle de l’intelligence, et surtout en témoignant d’une faveur accrue à la noétique du pseudo-Denys l’Aréopagite telle que Thomas d’Aquin la met en valeur: elle a, en effet, le privilège de ménager une fonction aux sujets créés pour la réalisation du salut (J. Ratzinger, Die Geschichtstheologie des heilige Bonaventura , Munich-Zurich, 1959).

Bonaventure a finalement obtenu l’accord de Thomas d’Aquin sur plusieurs points: inclusion des Idées divines dans le Verbe divin; statut essentiel de la mens ou intellect chez l’homme; théologie de l’espérance comme dynamisme suscité dans la volonté humaine par les promesses bibliques; insuffisance de l’intellect humain (tout en admettant une certaine non-suffisance que compense la forme intelligible, Thomas n’épouse pas sur ce sujet la totalité de la pensée bonaventurienne). Sous l’influence de Thomas d’Aquin, le franciscain a remanié son enseignement sur trois points notables et a accepté: la théologie de la vision de Dieu en son essence; la réinterprétation, à l’aide de Denys, du thème augustinien des Idées divines (pour le rôle important de Denys dans la pensée de Bonaventure, cf. J.-G. Bougerol, «Actes du colloque sur saint Bonaventure», in France franciscaine , 1968, suppl.); le rôle de l’intelligence dans la connaissance surnaturelle et le statut rigoureusement intellectif de l’extase (excessus ) mystique (cf. E.-H. Weber, Dialogue et dissensions entre saint Bonaventure et saint Thomas d’Aquin à Paris, 1252-1273 , Paris, 1974).

L’école de Bonaventure, qui s’organisa à Paris vers 1270, notamment autour de Jean Peckham, Matthieu d’Aquasparta, Richard de Mediavilla, devait exténuer les ouvertures du maître par rapport à la noétique dionysienne et accentuer, contre les aristotéliciens averroïstes et même contre les thomistes, la référence au seul Augustin. Satisfait de la catégorie traditionnelle de sagesse théologique, Bonaventure n’a pas cultivé la philosophie pour elle-même. Il a rejeté l’idée d’une philosophie autonome par rapport à la Révélation biblique, mais ce refus s’inscrivait dans un contexte de polémique anti-averroïste. Ses efforts se sont développés au bénéfice de la spiritualité et de la mystique.

L’Itinerarium mentis ad Deum comme le De triplici via offrent au chrétien le secours méthodologique de directoires spirituels: ce sont des méthodes de vie selon la charité, qui présentent la série progressive d’enseignements théoriques et pratiques où l’âme se pacifie par la pénitence (purification), s’instruit par la réflexion pour parvenir à l’illumination qui est connaissance de soi et, corrélativement, connaissance de Dieu, s’unit enfin à Dieu par l’action du Saint-Esprit. Cette perfection ou consommation conduit l’homme à une certaine connaissance expérimentale ou conscience que la vie divine est instaurée en lui; c’est cette perfection (que Bonaventure nomme sagesse) qui découvre la réalité même de la vie, qui est la charité, participation à la vie divine dans le Christ. Mais cette méthode de vie n’a rien d’un tel exposé théologique: Bonaventure est un lyrique qui voit dans l’œuvre de Dieu comme un poème architecturé, cathédrale ou symphonie. Il est confiant, abondant; il s’abandonne à des confidences à peine stylisées, à des effusions; il peut compter sur ces valables raisons du cœur qui emporteront l’assentiment d’un esprit désireux de se rendre dès qu’il aura senti où se trouve le bien, car le disciple de Bonaventure est un fils et, dès l’abord, son maître table sur le sentiment de sa filiation, sur l’étincelle de vie divine qu’il lui montre en son cœur. En cela, le Docteur séraphique est dans la pure tradition franciscaine; cet intellectuel partage avec son père saint François le souci constant d’ouvrir aux âmes les plus frustes ses voies les plus directes vers la sainteté. Ce qui explique l’influence considérable de cette théorie de la praxis spirituelle sur la mystique médiévale.

L’itinéraire mystique de Bonaventure est ainsi à la fois une méthode d’exercices spirituels, tels que les comprendra saint Ignace, et un poème troublant susceptible de faire sentir dès l’abord au chrétien la richesse et la vérité de la vie en Jésus-Christ.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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